Installation : Requiem pour un monde qui meurt, 2022 - 2023
Requiem pour un monde qui meurt est une installation composée de sept dessins monochromes et d’un socle sur lequel repose une variété d’objets. Cette pièce de Mohamed Thara, réalisée en 2020, en pleine pandémie, procède de son expérience du confinement. La couleur bleue, présente à la fois dans les dessins et sur les céramiques, renvoie aux masques de protection contre le coronavirus, abondamment utilisés pendant cette période. Pour l’artiste, cette couleur est devenue en quelques mois celle de la solitude, l’enfermement, l’isolement et la proximité d’avec la mort. Chaque dessin dévoile une sorte d’énigme ou de fable à décoder selon ses réflexions : une fillette assise aux côtés d’une scie qui se tient toute droite, une femme à l’abondante chevelure surmontée de deux crapauds donnant le sein à un bébé, un indien d’Amérique en vêtements traditionnels tenant un avion en modèle réduit dans ses mains, etc. La série est sans détour : elle rappelle l’impact de l’homme sur son environnement depuis cette rupture radicale que représente l’anthropocène. Ce terme, forgé à la fin du XXe siècle, désigne la période dans laquelle nous vivons depuis que l’action des hommes et des femmes, sur la planète Terre, a un impact sur le climat, les ressources naturelles et la biodiversité, aux effets désormais irréversibles. En écho aux sept dessins, un large socle, à la dimension d’un sarcophage, présente une accumulation d’objets : huit assiettes commémoratives en cuivre et plusieurs porcelaines, rares, précieuses ou à la valeur sentimentale, datant du XIXe-XXe siècles. Vases thaïlandais, bols japonais, services à thé anglais ou allemands, pichets français, porcelaine chinoise, jarres de provenance incertaine : ces objets parlent d’absence, de tristesse, de colère, de nostalgie et d’élan vital. Ces objets, aux qualités indéniablement esthétiques en même temps qu’usuelles, fixent notre rapport au temps passé et à ce qu’il en reste. Les teintes bleues et blanches constituent une trame secrète entre ces objets issus d’époques et de civilisations différentes. Un fil tissé entre les vivants et les morts. « Le passé, c’est douloureux » pourrait chuchoter en sourdine cette œuvre « reliquaire », en nous invitant à contempler un état du monde et de son Histoire.
Requiem pour un monde qui meurt is an installation comprising seven monochrome drawings and a base on which a variety of objects rest. Created in 2020, in the midst of a pandemic, this piece by Mohamed Thara is the result of his experience of confinement. The color blue, present both in the drawings and on the ceramics, refers to the protective masks against the coronavirus, widely used during this period. For the artist, in the space of a few months, this color became that of solitude, confinement, isolation and proximity to death. Each drawing reveals a kind of enigma or fable to be decoded according to his reflections: a little girl sitting beside a saw standing upright, a woman with abundant hair topped by two toads breast-feeding a baby, an American Indian in traditional clothing holding a model airplane in his hands, and so on. The series is straightforward: it reminds us of man's impact on his environment since the radical break represented by the Anthropocene. This term, coined at the end of the 20th century, refers to the period we've been living in since the actions of men and women on planet Earth have had an impact on the climate, natural resources and biodiversity, the effects of which are now irreversible. Echoing the seven drawings, a large sarcophagus-sized plinth presents an accumulation of objects: eight commemorative copper plates and several rare, precious or sentimental porcelains dating from the 19th-20th centuries. Thai vases, Japanese bowls, English or German tea sets, French pitchers, Chinese porcelain, jars of uncertain provenance: these objects speak of absence, sadness, anger, nostalgia and élan vital. These objects, with their undeniably aesthetic yet everyday qualities, establish our relationship with the past and what remains of it. The blue and white hues form a secret weave between these objects from different eras and civilizations. A thread woven between the living and the dead. “The past is painful”, this ‘reliquary’ work might whisper, inviting us to contemplate a state of the world and its history.
Claire Jacquet, directrice du Frac Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux 2007 - 2023 et directrice de l'École européenne supérieure d'art de Bretagne.
Requiem pour un monde qui meurt, Oeuvre en 3 dimensions, Installation. Collection Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, 2022. Photo : © Élise Beltramini.
Sept dessins au crayon bleu sur papier Fabriano, reliquaire en bois, cloche en Plexiglas, divers objets : huit assiettes commémoratives en cuivre pur, 59 porcelaines anciennes des XIXe et XXe siècles, pigment pur BP45 Bleu phtalocyanine bleu azur
1 reliquaire en bois : 31,5 x 180 x 80 cm - 59 porcelaines : porcelaine blanche et bleue (plusieurs nuances), époques variables - 1 cloche en plexiglas : 80,8 x 182,8 x 82,8 cm - 7 dessins (crayon bleu sur papier Fabriano) : 82,5 x 62,4 x 4 cm.