Photos Fouad Maazouz © Courtesy Galerie 38, Casablanca 2020.

Photos Fouad Maazouz © Courtesy Galerie 38, Casablanca 2020.

Origin of Trauma, 2020

" Quoi qu'elle nous donne à voir et quelle que soit sa manière, une photo est toujours invisible : ce n'est pas elle qu'on voit. " Roland Barthes

Dans l’installation Origin of Trauma Mohamed Thara aborde la question du traumatisme collectif. L’installation est composée de photographies en noir et blanc extrêmement cruelles collées sur des pierres et parpaings, elles forment corps avec elles. Insérées dans l'installation qui apparaissent comme les traces fantomatiques des destructions qui contribuent à l'obsession de l'artiste pour la violence humaine. Tout à la fois politiques et conceptuelles, ces images sont prises dans l'urgence dans des zones de guerre et de conflit : Irak, Syrie, Palestine, Afghanistan, Yémen... L'imperfection esthétique et plastique de ces photographies leur confère une dimension de preuve historique et de témoignage. L’artiste nous propose une expérience esthétique à la fois pénible et hallucinée tout à fait singulière avec des fragments de réel prélevés directement sur le passé, par le biais d'une écriture archéologique visant à faire affleurer dans le présent.

L'œuvre est une mise en tension, impuissante, froide, elle se confronte à nous, nous dévisage, d'une manière éminemment physique. Devant ces images, nous ne pouvons rester désintéressés. Ces images nous intéressent humainement, politiquement autant qu'intellectuellement. Thara nous force à voir, malgré tout, ceux dont nous détournons le regard dans une œuvre démesurée, immodérée, qui violente l'expérience de la contemplation. Une œuvre qui cherche à comprendre l’image générique d'une horreur elle aussi générique et pourtant bien matérialisée dans les corps et dans le destin humain. La sidération visuelle entre en écho avec la sidération historique. Une œuvre qui s'adresse directement à notre sens du tragique. Une forme d’exploration inlassable des limites esthétiques, visuelles, institutionnelles de l'art ; violence faite à l'art et à la sensibilité du public.  La violence ici embrasse la négativité, une revendication qui sera au cœur de la pensée esthétique de Theodor Adorno, comme elle le fut, auparavant, celle de Walter Benjamin, comme celle de Alain Badiou, qui pour eux, l'événement traumatique dépasse notre capacité de reconnaissance et de compréhension parce qu'il vient faire intrusion dans notre sphère psychique sous la forme de l'irruption d'une réalité insupportable. Ce que la photographie chez Thara nous donne à voir, dans la saccade temporelle qu'elle introduit, c'est précisément l'écart constitué par le phénomène de latence que Freud place au centre de sa théorie du trauma. Dans un geste critique qui engage la relation esthétique et semble devoir épuiser le sens. C'est une installation puissante, l'œuvre parle d'atrocités et de violations des droits de l'homme passées, celles d’aujourd’hui et malheureusement celles a venir. Placer des images sur des pierres ou ce qui ressemble à des morceaux de gravats ajoute de la tragédie à l'intensité des scènes et des personnes photographiées. Un cri d’alarme adressé à l'humanité en péril.

"No matter what it shows us, and no matter how it looks, a photo is always invisible: it's not what we see. " Roland Barthes

In the installation Origin of Trauma Mohamed Thara addresses the issue of collective trauma. The installation is composed of extremely cruel black and white photographs glued on stones and cinder blocks, they form a body with them. Inserted in the installation they appear as ghostly traces of the destruction that contribute to the artist's obsession with human violence. Both political and conceptual, these images are taken in the urgency of war and conflict zones: Iraq, Syria, Palestine, Afghanistan, Yemen... The aesthetic and plastic imperfection of these photographs gives them a dimension of historical proof and testimony. The artist offers us an aesthetic experience that is both painful and hallucinatory, quite singular with fragments of reality taken directly from the past, through an archaeological writing that aims to bring us into the present.

The work is a setting in tension, impotent, cold, it confronts us, staring at us, in an eminently physical way. In front of these images, we cannot remain disinterested. These images interest us humanly, politically as well as intellectually. Thara forces us to see, in spite of everything, those whose gaze we turn away in an immoderate, immoderate work that violates the experience of contemplation. A work that seeks to understand the generic image of a horror that is also generic and yet well materialized in bodies and in human destiny. The visual astonishment echoes the historical astonishment. A work that speaks directly to our sense of tragedy. A form of tireless exploration of the aesthetic, visual, institutional limits of art; violence against art and the sensibility of the public.  Violence here embraces negativity, a claim that will be at the heart of Theodor Adorno's aesthetic thought, as it was, before, that of Walter Benjamin, as it was that of Alain Badiou, who for them, the traumatic event exceeds our capacity for recognition and understanding because it intrudes into our psychic sphere in the form of the irruption of an unbearable reality. What Thara's photography gives us to see, in the temporal jerk that it introduces, is precisely the gap constituted by the phenomenon of latency that Freud places at the center of his theory of trauma. In a critical gesture that engages the aesthetic relationship and seems to exhaust the meaning. It is a powerful installation, the work speaks of past atrocities and human rights violations, those of today and unfortunately those to come. Placing images on stones or what looks like pieces of rubble adds tragedy to the intensity of the scenes and people photographed. A cry of alarm addressed to humanity in peril.

 

Installation Origin Of Trauma 2020 Mohamed Thara
Mohamed Thara Origin of Trauma II Installation 2020
Origin of Trauma Installation, 40 tirages noir et blanc sur papier photo blanc satin opaque collés sur pierres et parpaings. 2020.

Origin of Trauma Installation, 40 tirages noir et blanc sur papier photo blanc satin opaque collés sur pierres et parpaings. 2020.

View of collective exhibition la Vague Blanche at Gallery 38 Casablanca (Morocco) november 2020.

View of collective exhibition la Vague Blanche at Gallery 38 Casablanca (Morocco) november 2020.